jeudi 5 janvier 2017

Les maladies à prion – aujourd’hui on fait un atelier bracelets en élastiques


La dernière fois, on en était resté à la question suivante « qu’est-ce qui fait qu’une protéine donnée assure telle fonction ? »

- C’est sa conformation spatiale !
Trop souvent quand on dit qu’une protéine est une chaîne constituée d’acides aminés, on s’imagine un genre de collier avec des billes de différentes couleurs, chaque couleur représentant un type d’acide aminé.

 
- Alors que nan quoi! On a dit qu’on faisait des bracelets en élastiques pas des colliers de perles!

Sauf que les propriétés des différents acides aminés combinées entre elles vont faire que la chaîne va se replier d’une manière donnée et ainsi adopter une conformation en 3 dimensions bien spécifique lui permettant d’exercer sa fonction.
 
Par exemple, voici la structure d’une protéine canal en charge du transport du sucrose à travers la membrane chez certaines bactéries vue « de profil » (a) et « de face », ici présentée sous forme de trimère (complexe constitué de 3 unités) (b) avec un sucre passant à l’intérieur :

D’après Jenny Michels, Armin Geyer, Viorel Mocanu, Wolfram Welte, Alma L. Burlingame et Michael Przybylski (2002) Structure and functional characterization of the periplasmic N-terminal polypeptide domain of the sugar-specific ion channel protein (ScrY porin), Protein Science, 11(6): 1565–1574, DOI:  10.1110/ps.2760102 (article disponible à http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2373611/)

 
Notez bien qu’il ne s’agit pas d’un vulgaire tunnel dans la membrane qui va laisser rentrer/sortir tout et n’importe quoi de la cellule. Le complexe est en fait très sélectif.

Après la relation structure-fonction n’est pas toujours aussi « visuelle »…

La cellule possède toute une machinerie pour favoriser et contrôler le bon repliement des protéines.


En effet, puisque la bonne conformation d’une protéine est nécessaire pour qu’elle exerce son rôle dans ou au dehors de la cellule, on comprend bien qu’une protéine mal conformée n’exercera pas correctement/pas du tout sa fonction, voir perturbera la tâche d’autres protéines.

Des protéines (bah oui du coup) sont donc présentes dans la cellule pour aider au bon repliement des protéines.

 
Et les protéines au final mal-conformées seront éliminées.
 
Mais et les maladies à prion alors ? Et les bracelets en plastiques dans tout ça?
On a vu que la protéine prion cellulaire était une protéine normalement produite par notre organisme, et celui des vaches, et celui des moutons, et celui des chats, et celui des… bref, on va dire pour résumé que la protéine prion cellulaire est une protéine normalement produite par tous les mammifères (ainsi que beaucoup d’autres animaux).
Revenons aux analogies un poil foireuses. Symbolisons la protéine prion par un élastique avec une forme d’élastique donc.
 On a donc ici un monomère (= 1 unité) présentant une forme donnée dite « élastique normal ».

Sous cette forme plus ou moins étirée (plutôt plus que moins je vous l’accorde), l’élastique-protéine prion cellulaire va participer à différentes tâches dont:

-        celle d’emmerder nos collègues (une fonction d’une importance capitale vous en conviendrez) donc

-        celle de grouper quelques outils de dessin histoire de les trimbaler ensemble

Vous avez tous dû voir cette mode des bracelets à élastiques où l’élastique replié sur lui même est associé à d’autres élastiques eux aussi repliés pour former un bracelet. Chacun des élastiques arbore au sein du bracelet une forme alternative dite « élastique replié ». Cette forme alternative est étroitement liée à l’appartenance au bracelet/multimère (= plusieurs unités).
Sous cette forme de multimère constitué d’unités présentant une forme alternative (un bracelet, quoi), de nouvelles fonctions peuvent être exercées comme servir d’ornement de poignet (de bracelet, quoi) :
 
Des fonctions en principe exercées par le monomère en forme « élastique normal » peuvent aussi être exercées mais de façon différente. On parle alors de fonctions perverties. Si on reprend l’idée de grouper ensemble quelques outils de dessin, on va là carrément se trimbaler sa trousse ou son pot à crayons :
 
Maintenant, revenons au prion. Le prion c’est un multimère protéique dont chaque unité correspond à une protéine prion mal-repliée (= présentant une conformation alternative) et qui a la capacité de trans-conformer (= rendre mal-repliée) la protéine prion cellulaire qui passe à sa portée. C’est ainsi que le prion se propage dans l’organisme et plus particulièrement dans le cerveau. Et une fois que ça a commencé, la progression vers la mort est inexorable. Un peu comme quand le premier gamin a ramené son bracelet en plastique dans la cour de récré. La mode allait se propager à tous les autres gamins de façon irrémédiable…
Voilà j’espère que c’est plus clair comme ça.


Evidemment, vous avez surement des questions plein la tête du type « mais pourquoi la cellule ne balance pas toutes ces protéines mal-repliées au protéasome ? » ou alors « comment ces protéines mal-repliées entrainent la mort des neurones ? ». Juste quelques éléments de réponses (et soyons clairs, tout cela n’est pas très bien compris et fait toujours l’objet de recherches scientifiques à l’heure actuelle) :
-        le prion sous sa forme mal-repliée est très résistant à la dégradation,
-        il y a des arguments pour dire que de nouvelles fonctions acquises par le prion et/ou des fonctions qu’il exerce de manière anormales (fonctions perverties) peuvent avoir de manière directe ou indirecte des conséquences néfastes pour la cellule,
-        d’ailleurs on pense qu’il y a perturbation de l’activité du protéasome lors des maladies à prion et autres maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer (pour une revue – en anglais – voir Ciechanover et Kwon, 2015).

Ah, et le coup des crayons regroupés par l’élastique-protéine prion cellulaire, en vrai ça donne quoi ? Et bien en regroupant différentes protéines, la protéine prion cellulaire pourrait favoriser leurs interactions entre elles par exemple. Car oui, les protéines interagissent entre elles. Et souvent une fonction n’est pas assurée par une protéine seule mais un complexe de protéines.






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